Ingénieur en eau et assainissement de formation, notre étoile Innocent, à travers les sages conseils de son parrain le Larlé Naaba Tigré, nous dévoile dans cette interview, son parcours et ses conseils pour une réussite professionnelle et sociale. Lisez plutôt !
Association des Tableaux d’Honneur (ATH) : Pouvez-vous vous présenter à nos abonnés et à la population burkinabè ?
TANKOANO Souguilimpo Innocent (TI) : Je me nomme TANKOANO Souguilimpo Innocent, Ingénieur en eau et environnement de formation et actuellement en poste à l’Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2iE).
ATH : Pouvez-vous nous parler de votre parcours scolaire et académique ?
TI : Tout commence à l’école publique Donsin A en 1999 où j’ai effectué les classes préparatoires et élémentaires. Je termine le primaire à l’école Kologh Naaba B en 2005 avec un parcours marqué par de nombreux prix d’excellence. Je rejoins ensuite le lycée Marien N’Gouabi pour le secondaire. Dans ce lycée également j’ai su maintenir l’excellence dans mes résultats en témoignent les récompenses qui étaient devenues une règle pour moi, mes enseignants ainsi que mes camarades. Après le BEPC, passionné de sciences, j’opte pour la série C et j’achève mon secondaire en 2012 avec le BAC C.
ATH : Parlez-nous de votre expérience à Tableau d’honneur (TH) ? Que retenez-vous de cette émission de promotion de l’excellence ?
TI : J’étais en classe de 1re C en 2011 lorsque je fus sélectionné pour participer à cette émission qui prône l’excellence. Bien avant, je rêvais d’y participer lorsque je suivais le passage des autres étoiles à la télé. Un matin, mon proviseur m’annonce dans son bureau que parmi plus de 3 000 élèves que comptait son établissement, je suis celui qui par mon brillant parcours mérite de représenter le Marien N’Gouabi à l’émission TH. Pour moi, c’était la réalisation de mon rêve, être présenté aux yeux du Burkina et du monde comme un élève studieux et un modèle à suivre. TH fut l’une des plus belles récompenses en réponse aux efforts consentis pour resteé constant dans l’excellence. L’autre aspect est que quand tu participes à TH, c’est un défi qui t’est lancé, car aux yeux de tous, tu es un modèle et tu n’as plus droit à l’échec ni à la médiocrité. Enfin, grâce à TH, j’ai eu la chance de rencontrer des personnalités du Burkina qui ont donné une orientation à ma vie, je cite en particulier mon parrain TH le Larlé Naaba Tigré pour la sagesse de ses conseils et la générosité dont il continue de me faire montre. Je transmets par ce canal ma profonde gratitude aux initiateurs de cette belle émission.
ATH : Après le baccalauréat, vous avez choisi de faire l’ingénierie hydraulique. Pourquoi ce choix ?
TI : Depuis le lycée, j’avais pour ambition de faire des études d’ingénieur ou de médecine. Après mon baccalauréat en 2012, il fallait faire le choix qui d’ailleurs fut très difficile. Pour finir, la balance a penché pour l’ingénierie. La meilleure école d’ingénieurs dans mon viseur était l’Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2IE). Issu d’une famille à revenus modestes, il fallait trouver un financement pour les études à 2iE. Comme le disait Jean-Paul Sartre “L’important n’est pas ce qu’on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous.”
J’étais à la recherche d’une bourse lorsque j’apprends le lancement d’un concours de recrutement de 12 boursiers pour 3 ans à 2iE. C’était un concours ouvert à toute personne ayant au moins le baccalauréat. Parmi des milliers de candidats tout niveau confondu, j’ai réussi à être dans le top 12. Je réalisais moi-même et pour la première fois l’enjeu de l’excellence pour se frayer un chemin d’or dans ce monde. C’est par le fruit de mes efforts, la bénédiction divine et celle de mes parents que j’ai pu entamer mes études d’ingénierie à 2iE.
ATH : Votre bourse couvre seulement la Licence, comment êtes-vous parvenu à finir votre cycle d’ingénieur ?
TI : Effectivement, ma bourse couvre uniquement la Licence. En 2e année, je réfléchissais déjà au financement de mon Master. J’ai décidé de financer le restant de mes études en tant qu’étudiant professionnel. C’est ainsi qu’en 3e année, j’ai opté pour un bachelor professionnel en eau et environnement. En instance de soutenance, je parcourais aussi les offres d’emploi parce qu’il fallait bien s’insérer professionnellement avant d’espérer poursuivre le Master. En avril 2016, dans le cadre d’un projet de valorisation de biomasse, l’institut de formation 2iE lançait un recrutement. Étant en quête d’emploi, j’ai soumis ma candidature.
ATH : Vous n’aviez pas encore soutenu mais vous avez quand même postulé ?
TI : Comme le dit bien Johann Wolfgang Von Goethe : “Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie.” J’ai donc voulu expérimenté ce pouvoir.
ATH : Avez-vous été retenu pour le poste ?
TI : Après ma candidature, j’étais plus concentré à me préparer pour ma soutenance qui devait se tenir le 11 mai. Le 08 mai, je recevais un mail m’informant que j’étais retenu pour un entretien d’embauche pour le poste à 2iE le 10 mai. Me voici alors pris entre la préparation de ma soutenance et mon tout premier entretien d’embauche. Très rapidement, je me suis mis sur Internet pour suivre des vidéos et lire des documents sur l’entretien d’embauche. Il fallait mettre en jeu mon esprit de synthèse et d’accumulation que je m’étais forgé auparavant dans la culture de l’excellence. Par la grâce de Dieu, l’entretien s’est bien déroulé tout comme la soutenance avec la note de 16/20. Cinq jours plus tard, je fus informé que j’étais retenu pour le poste à 2iE. C’était une victoire d’étape pour moi, un premier pas dans la vie professionnelle sans aucune expérience. C’est l’occasion pour moi de remercier mes supérieurs hiérarchiques qui ont eu confiance en moi et m’ont donné cette opportunité.
ATH : Parlez-nous de votre poste à 2IE
TI : À 2iE, j’interviens au Laboratoire d’Énergies Renouvelables et d’Efficacité Énergétique, précisément dans l’équipe de recherche-valorisation de la biomasse, qui mène des activités sur le développement de procédés de conversion de la biomasse pour la production de chaleur, d’électricité et de force motrice adaptés aux demandes dans les pays africains. Je suis responsable des mesures physiques et de l’instrumentation des capteurs.
ATH : Après l’obtention de cet emploi, avez-vous abandonné votre objectif de départ ?
TI :Bien au contraire, 2iE, c’est avant tout un Institut de formation et être dans ce milieu vous galvanise à être au sommet du possible en matière de formation. Je me suis alors inscrit parallèlement à mon poste en 1re année de Master en eau et environnement à l’Institut de Génie de l’environnement et du développement durable (IGEDD) en octobre 2016.
ATH : Comment êtes-vous parvenu à concilier études et obligations professionnelles ?
TI : J’étais inscrit au même titre que les étudiants en formation initiale mais en cours du soir. Il fallait assurer au service et tenir également à l’école. Je descendais à 16 h et me rendais à l’école pour ma formation et souvent, c’est à 23 h que je rentrais à la maison pour assimiler les cours, mais aussi finaliser certains dossiers pour le service. Tout cela fait appel à un esprit d’organisation, de gestion du temps et d’endurance intellectuelle.
ATH : Avez-vous pu maintenir le cap de l’excellence ?
TI : Ce n’est vraiment pas un exercice aisé d’étudier et travailler à plein temps. Avec l’organisation que j’ai mise en place, j’ai pu tirer mon épingle du jeu en sortant major de ma promotion de Master II avec 16,95 de moyenne.
ATH : Quel est votre secret pour la réussite ?
TI : Pour moi, pour réussir, il faut d’abord se fixer un objectif. C’est ce dernier qui malgré les éventuelles difficultés vous aidera à retrouver le souffle nécessaire aux derniers pas du chemin. En plus de cela, il faut toujours cultiver l’excellence dans toute activité, chercher à donner le meilleur de soi à tout moment sans oublier la bénédiction des parents et de Dieu. À compétences égales, ce qui fait souvent la différence, c’est la bénédiction.
ATH : Pourquoi n’avez-vous pas envisagé des études à l’extérieur ?
TI : Je suis de ceux qui pensent que malgré les nombreuses difficultés auxquelles notre système éducatif fait face, nous avons la capacité de bénéficier de formations de haut niveau et adaptées dans notre cher pays le Burkina Faso.
ATH : À votre avis, quelle est la problématique d’accès à l’eau au Burkina Faso ?
TI : C’est une problématique du fait de la nature de nos cycles saisonniers : notre saison humide s’étale sur à peine 4 à 5 mois laissant de ce fait une période de 7 à 8 mois sans précipitations. De plus, nous ne disposons pas de grands lacs ni de grands fleuves ou mares ce qui signifie peu de retenues d’eau. À cette situation, s’ajoute celle des changements climatiques avec une mauvaise répartition spatio-temporelle des précipitations. Le défi se pose alors en termes de mobilisation de la ressource en eau.
ATH : Avez-vous un projet en cours pour le Burkina Faso ?
TI : Avec des amis, nous sommes en train de mûrir un projet de grande envergure qui visera à terme à faciliter l’accès à des infrastructures d’assainissement collectifs aux personnes vulnérables.
ATH : Qui vous inspire le plus sur cette Terre ?
TI : Mon inspiration vient de ma petite famille. Je suis marié et père d’un magnifique garçon. Quand je reçois le sourire matinal de mon épouse et de mon fils le matin, ça me donne une raison de me battre pour devenir quelqu’un de meilleur sur le plan social, professionnel et être la fierté et l’inspiration de mes enfants.
ATH : Quel est votre plus grand rêve actuellement ?
TI : À l’instar de la sous-région, mon pays fait face à un défi sécuritaire de grande envergure, mon rêve, c’est de voir le Burkina regagner sa paix d’antan, un Burkina où l’on peut se déplacer du Nord au Sud, de l’Est à l’ouest sans être inquiété, où l’on ne connaît pas de différence d’ethnie où l’on ne connaît pas le terme “déplacé interne”.
ATH : Quels conseils avez-vous pour la jeunesse burkinabè, les élèves et étudiant.e.s en particulier ?
TI : Le Larlé Naaba Tigré m’a délivré ce conseil que je vous partage :
Dans la vie, un homme doit savoir donner pour être utile à lui-même, à sa famille, à sa communauté et à son pays. Si on ne peut donner pour construire, il faut travailler pour relever les défis et être utile à la nation. Au cas où on serait incapable de donner, on doit savoir parler pour arranger, aider la cause populaire et demeurer un vecteur du développement.
Nous sommes dans un monde qui devient de plus en plus sélectif et il n’y a plus de place à la médiocrité. Nous avons le devoir de nous former afin d’être utiles à nous-même et à notre nation. Les défis sont énormes et il nous appartient de nous battre pour l’émergence de notre pays et de notre continent.