Notre aîné Soumaila Ilboudo, passionné du métier de la coupe-couture, considère ce métier comme une partie intégrante de la vie de l’Homme. Il nous fait découvrir les différentes facettes de son métier dans cet entretien.
Le Grand Frère (LeGF) : Bonjour peux-tu te présenter ?
Soumaila Ilboudo (SI) : Bonjour je me nomme Soumaila Ilboudo , je suis formateur en coupe-couture, et aussi couturier.
LeGF : Parle-nous de ton métier, qu’est ce que la coupe couture ?
SI : Lorsqu’on parle de coupe couture, cela sous-entend que l’on sache coudre et couper à la fois. Il faut savoir que la coupe et la couture sont deux métiers différents. La coupe permet de déterminer, découper la forme du tissu et la couture permet d’assembler à l’aide d’une machine à coudre les différents morceaux de tissus découpés. Il faut noter qu’on peut savoir couper sans savoir monter un vêtement tout comme on peut savoir assembler les tissus, faire un montage sans savoir couper. On peut également associer ces deux compétences comme c’est le cas pour moi.
LeGF : Quelle est l’importance de la couture, du couturier ?
SI : Le vêtement a toujours eu une place importante dans notre société et dans nos communautés africaines. Parce qu’ à travers le textile, on raconte une histoire, on fait valoir la culture d’un pays comme c’est le cas par exemple pour notre pagne tissé le Faso Dan Fani et le Koko Dunda remis à jour par le styliste Sebastien Bazemo. Dans ce cycle de valorisation du textile, c’est au couturier de donner vie au textile et d’en faire un vêtement à porter. Du nouveau-né aux personnes âgées, tout le monde s’habille, et ce, quel que soit l’événement. Pour les cérémonies de la vie courante tels que les baptêmes, les mariages ou pour les fêtes on a souvent recours au “tailleur” comme on le dit couramment pour se faire confectionner une tenue spéciale pour ces occasions. Le couturier est donc un maillon important non seulement dans la chaîne de valorisation du textile, mais aussi dans la culture communautaire.
LeGF : Parle-nous de ta formation : le niveau requis et les débouchés
SI : La formation en coupe-couture demande d’ avoir un certain niveau qui vous permettra de comprendre et d’assimiler plus facilement la formation. Parce que mine de rien on fait appel aux mathématiques et à la géométrie pour les tracés, les proportions et les mesures surtout lorsqu’on apprend notamment la coupe à plat.
“La coupe à plat est la technique la plus courante pour réaliser un vêtement. Avec les mesures du modèle ou des clients, elle permet de créer des patrons qui serviront de base pour la découpe du tissu qui sera ensuite assemblé.”
Les débouchés en coupe et couture ne sont pas limités contrairement à ce que l’on pourrait penser. Après votre formation, vous pouvez rejoindre des ateliers existant en tant que couturier généraliste, maître de coupe ou chef de production dans une industrie textile. Avec le module qu’on reçoit sur la gestion d’un atelier de couture, on peut devenir gérant d’atelier pour un atelier tiers ou s’auto-employer. Vous avez également la possibilité de vous orienter vers l’enseignement. Pour cela, il faudra associer une formation en pédagogie pour apprendre à transmettre vos connaissances. Il y a également, la formation industrielle qui peut vous conduire à la mise en place d’une industrie de production.
LeGF : Quels sont les diplômes que l’on obtient au cours d’une formation en coupe et couture ? Quelle est la durée de formation ?
SI : À partir de 2007, le Ministère de la Jeunesse et de la Promotion de l’Entrepreneuriat des Jeunes a mis en place des certifications. Il y a le Certificat de qualification professionnelle (CQP) qui est le premier diplôme en couture et le Brevet de qualification professionnelle (BQP) qui s’obtient deux ans après le CQP. Avec le BQP, on obtient le grade de chef d’atelier et on peut exercer pour soi ou pour un autre atelier.
En ce qui concerne la durée de la formation, au début, il fallait compter trois ans de formation pour avoir le CQP. Aujourd’hui, on peut l’obtenir en deux ans tout comme le BQP qui requiert également deux années de formation.
Au sortir des quatre années de formation, on a plus d’expertise et on est plus outillé pour ouvrir son entreprise, la gérer et contribuer à la création d’emplois pour la jeunesse. Si vous êtes donc en formation en ce moment en coupe et couture, je vous incite à poursuivre votre formation au-delà du CQP afin d’obtenir le BQP.
LeGF : le métier offre t-il des opportunités à l’extérieur ?
SI : Certes le métier ne nous ouvre pas les portes pour des collaborations à l’extérieur pour le moment, mais il nous permet de monter des projets au Burkina Faso. Avec le Ministère de la Jeunesse et de la Promotion de l’Entrepreneuriat des Jeunes, les jeunes pourraient avoir des possibilités de financements afin de réaliser leurs projets ici. D’ailleurs, des formations en entrepreneuriat sont délivrées aux jeunes par ce ministère qui lance souvent des appels à projet pour octroyer des financements. Ce sont des opportunités qu’il faut saisir et qui pourraient faciliter leur installation.
LeGF : Comment se déroulait la formation concrètement ? : quel est le degré de technicité à maîtriser ?
SI : Les cours se déroulaient toute la journée du matin au soir. Dans le programme de formation, il fallait compter cinq jours de formation. Les trois premiers jours étaient consacrés à l’apprentissage des bases théoriques. Et les deux autres jours se passaient à l’atelier afin de maîtriser les aspects pratiques de la couture et de la confection d’une tenue. Pour cela, on apprend principalement deux techniques : la coupe à plat énoncée plus haut et la technique du moulage sur un mannequin. Cette dernière permet de créer un vêtement sans patron en moulant directement l’étoffe sur le mannequin. En fonction du modèle recherché, on épingle et on coud au fur et à mesure.
Nous avions également comme modules, le tracé, l’organisation de travail, la technologie du matériel, la culture générale et la technologie textile. Tout au long de la formation, on nous sensibilise à la connaissance des différents textiles, à choisir la matière et à la travailler selon l’usage. On apprend aussi les techniques de repassage du tissu (ajuster la température pour ne pas abîmer le vêtement), le choix du matériel de couture et comment assurer la maintenance.
LeGF : En tant qu’aîné, quel serait ton conseil pour le choix d’une formation ?
SI : Pour le métier de couturier, je dirais avant tout qu’il faut avoir la vocation. La couture est un domaine dans lequel on peut s’épanouir professionnellement si on a la vocation, la passion, mais surtout si on s’y implique ardemment. Je dirai donc à tous ces jeunes qui veulent embrasser ce métier qu’ils peuvent réussir en mettant du sien. Ensuite, à ceux et celles qui hésitent à cause des préjugés, n’écoutez pas les dires de la société vis-à-vis du métier parce qu’elle ne connaît pas les réalités du couturier. Autrefois, on était loin d’imaginer qu’un couturier puisse devenir formateur, c’est pourtant possible. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai intervenu en tant que formateur et apporté mon expertise dans toutes les provinces du Burkina Faso. Quand j’ai emboîté ce métier, je ne pensais pas que j’aurais cette opportunité. Si vous vous engagez pleinement, vous verrez les opportunités offertes par ce métier.
Quant à ceux qui ont des diplômes, je les invite à s’essayer aux formations professionnelles.
“Osez recommencer, apprendre quelque chose de nouveau, ce n’est en rien une régression”.
Avec votre niveau, la formation serait plus facile. Même si vous souhaitez intégrer la fonction publique, avoir un métier à côté en attendant sera un atout, car vous aurait déjà une certaine indépendance financière. Cela pourrait donc être un bon débouché pour vous. De plus, s’il arrive que vous obteniez un emploi dans votre domaine de formation par exemple, la couture est un métier que vous pourrez toujours exercer en parallèle. L’avantage avec la couture, c’est que peu importe votre profession principale, que l’on soit fonctionnaire ou non, on peut l’exercer comme activité secondaire. J’en suis la preuve. Si moi, j’arrive à exercer en tant que formateur et revenir pour travailler à l’atelier, vous pouvez aussi le faire en dépit d’autres activités.
LeGF : Si tu avais un message à faire passer, ce serait lequel ?
SI : Je souhaite attirer l’attention des parents afin qu’ils changent leur mentalité et par ricochet celle de leurs enfants vis-à-vis de la formation professionnelle. Il faut qu’on apprenne aux enfants dès le primaire qu’ils peuvent aussi s’orienter vers les formations professionnelles et que les métiers que l’on apprend sont des compétences qui permettent aussi d’être directement employables. Il faut briser cette idée selon laquelle les formations professionnelles ne sont destinées qu’à ceux n’ayant pas pu terminer un cursus classique. Si les parents et les enseignants arrivaient à changer cela, au secondaire, les enfants pourraient avoir une tout autre idée des possibilités d’orientation qui s’offrent à eux.
Je terminerai mon propos en remerciant les initiateurs de ce partage d’expérience. Merci de m’avoir donné de la voix et de m’avoir permis de valoriser la formation professionnelle et mon métier.
Si vous êtes en quête d’informations sur l’orientation rendez-vous sur Le Grand Frère, votre plateforme d’orientation scolaire et professionnelle pour savoir comment s’orienter et trouver les éléments nécessaires pour construire votre projet d’orientation, de formation, de carrière.
Que la paix revienne au Burkina Faso et que Dieu bénisse le Burkina Faso.
Merci.
Je suis un styliste